Benhamouda défend une stratégie algérienne, par et pour l’Afrique

Dans une conjoncture régionale marquée par la recomposition des routes aériennes et la montée en puissance des compagnies africaines, le chef de l’État a érigé le transport aérien en instrument stratégique de souveraineté et de rayonnement continental. Ce soutien présidentiel confère au directeur général Hamza Benhamouda un mandat fort, à la hauteur des enjeux géopolitiques actuels.

Mais à cette dynamique volontariste s’oppose une exigence tout aussi forte: celle d’une mise à niveau concrète de la qualité de service, de la ponctualité, et de la compétitivité commerciale. Si l’orientation stratégique semble désormais claire, c’est sur sa capacité à la traduire en résultats tangibles que sera jugée la nouvelle direction. Car entre ambitions nationales et attentes des passagers, le défi d’Air Algérie est autant technique que symbolique: incarner, par la performance, la nouvelle posture internationale de l’Algérie.

Tandis que Royal Air Maroc multiplie les annonces spectaculaires, souvent portées par des alliances internationales, Air Algérie privilégie une approche souveraine, recentrée sur les besoins du continent africain et portée par une volonté politique forte et indépendante.

Alors que RAM s’appuie sur une infrastructure financière renforcée par ses partenariats occidentaux, Air Algérie avance prudemment mais sûrement vers une redéfinition de son rôle stratégique en Afrique. Loin des effets d’annonce, la compagnie nationale algérienne adapte sa feuille de route à la géopolitique régionale, recentre ses priorités sur des axes structurants et bénéficie aujourd’hui d’un soutien politique sans précédent.

Air Algérie, avec une flotte en renouvellement, 56 appareils actuellement en service et 16 en commande, déploie une stratégie ciblée, elle capitalise sur les opportunités créées par les reconfigurations du transport aérien régional, comme le retrait d’Air France du Sahel, pour renforcer sa présence dans des zones à fort potentiel comme l’Afrique centrale (zone Cemac) et l’Afrique de l’Est, avec l’ouverture de lignes vers le Gabon, le Tchad, l’Éthiopie et Zanzibar.

Là où RAM sert d’instrument de soft power au service des ambitions extérieures du Maroc, Air Algérie devient, sous l’impulsion du président Abdelmadjid Tebboune, un levier d’intégration continentale et un outil de souveraineté économique.

En mai 2025, le gouvernement algérien a franchi une étape majeure en annonçant la création d’une nouvelle compagnie dédiée aux vols domestiques, permettant à Air Algérie de concentrer ses efforts sur l’international. Cette réorganisation logistique, qui inclut l’intégration des actifs de Tassili Airlines, montre une volonté claire de structurer durablement le maillage aérien du pays, du sud algérien aux grandes capitales africaines.

À travers cette montée en puissance, c’est également le positionnement d’Alger comme futur hub continental qui prend forme. L’aéroport international Houari-Boumédiène est appelé à jouer un rôle pivot entre l’Afrique, l’Europe, le Moyen-Orient et même l’Amérique. Son potentiel logistique est mis en avant par Hamza Benhamouda, PDG d’Air Algérie depuis 2024, qui souligne la complémentarité géographique de l’Algérie par rapport aux autres hubs africains, comme Addis-Abeba ou Johannesburg.

Contrairement à la RAM, intégrée à l’alliance Oneworld, Air Algérie maintient sa stratégie de développement autonome. Elle évite ainsi les dépendances aux grandes alliances mondiales, préférant des accords bilatéraux choisis, comme celui signé avec Turkish Airlines. Ce partenariat, axé sur le partage de code, permet à la compagnie algérienne d’élargir son offre vers l’Asie et l’Europe, tout en servant de relais pour les ambitions africaines de son partenaire turc.

Une croissance organique face à une expansion sous influence
RAM, qui prévoit une augmentation rapide de sa flotte, de 50 à 130 avions d’ici 2030, puis 200 à l’horizon 2037, affiche des ambitions internationales, notamment en prévision de la CAN 2025 et de la Coupe du Monde 2030.

Si ces objectifs sont séduisants, ils s’inscrivent dans une logique de projection financée largement par des partenariats extérieurs. De plus, la RAM mise sur des hubs secondaires au Maroc (Marrakech, Dakhla, Tanger…) pour épauler Casablanca, mais cette stratégie pourrait fragmenter ses ressources.

Air Algérie, un acteur central pour l’Afrique de demain
Alors que les enjeux de connectivité intra-africaine deviennent cruciaux, Air Algérie se positionne en acteur stable et engagé. Elle fait le choix de renforcer les liaisons directes Sud-Sud, dans une logique de complémentarité régionale, et d’offrir des services adaptés aux réalités du continent, loin des modèles importés. Si son chiffre d’affaires (394 millions USD en 2022) reste encore modeste face aux 1,7 milliard USD de la RAM, son modèle est en pleine mutation. L’enjeu n’est pas seulement économique: c’est une vision panafricaine et inclusive du transport aérien que défend aujourd’hui l’Algérie à travers sa compagnie nationale.

Oui, défendre Air Algérie, c’est bel et bien défendre l’État algérien – à la fois dans sa souveraineté, sa projection diplomatique, et sa logique d’intégration continentale. Et dans ce cadre, le directeur général Hamza Benhamouda bénéficie clairement d’un soutien politique direct de la présidence, pour plusieurs raisons:

1. Air Algérie comme instrument stratégique de souveraineté
Air Algérie n’est pas une simple compagnie aérienne. C’est un outil d’État, au service d’une vision politique assumée par le président Abdelmadjid Tebboune, qui cherche à repositionner l’Algérie comme acteur incontournable du Sud global, notamment en Afrique. Ce rôle dépasse les enjeux commerciaux : il touche à la présence géopolitique, à la coopération Sud-Sud, et à l’idée que l’Algérie doit construire ses propres corridors de mobilité et de puissance, sans dépendance aux structures occidentales.

2. Un soutien présidentiel matérialisé par des réformes profondes
Le soutien à Benhamouda ne se limite pas à un discours. Il s’est concrétisé par : la création d’une nouvelle compagnie domestique, confiée à Air Algérie, à la suite de la dissolution de Tassili Airlines, décision politique qualifiée de forte, prise en mai 2025;

La priorisation du hub d’Alger, que Benhamouda a présenté comme alternative sérieuse à Addis-Abeba ou Johannesburg, en parfaite harmonie avec les axes stratégiques fixés par la présidence, la restructuration des dessertes africaines, qui n’aurait pas été possible sans un aval politique, notamment face aux blocages diplomatiques (Mali, Sahel).

3. Benhamouda, un exécutant loyal de la feuille de route présidentielle
Dans ses rares prises de parole publiques, Benhamouda ne se présente pas comme un technocrate isolé, mais comme le relais d’une politique nationale ambitieuse. Il insiste sur :

« La connectivité régionale et continentale est un choix stratégique voulu par les plus hautes autorités du pays ».

4. Air Algérie face à la RAM : une bataille politique autant que commerciale
Le développement de la RAM est soutenu par une diplomatie marocaine agressive et bien financée. En face, défendre Air Algérie revient à affirmer un autre modèle: souverain, non-aligné, panafricain, centré sur une Algérie-pivot. Dans ce bras de fer, le président Tebboune a tout intérêt à placer un homme sûr à la tête d’Air Algérie, d’où la nomination de Benhamouda en février 2024, un signal fort de reprise en main.

Oui, Hamza Benhamouda bénéficie d’un soutien présidentiel direct, car il ne dirige pas seulement une entreprise publique: il pilote un levier d’influence étatique. Dans la doctrine actuelle du pouvoir algérien, défendre Air Algérie, c’est défendre l’Algérie elle-même, sa place en Afrique, sa souveraineté économique, et sa vision du monde.