Fin programmée de la guerre par procuration

Contrairement au réflexe interventionniste standard de Washington depuis 2003, créer ou entretenir des zones de tension pour y déléguer la guerre à des puissances régionales avant de revenir comme arbitre. Donald Trump poursuit une stratégie de tarissement des foyers. Accords de normalisation, deals directs avec les adversaires, gel de certaines livraisons d’armes : autant de mesures qui coupent l’oxygène à “l’économie de la guerre par procuration”.

Ce déplacement frappe d’abord les capitales qui avaient bâti leur poids sur la sous-traitance du conflit au bénéfice américain. La Libye offre un cas d’école : Turquie et Qatar d’un côté, Émirats de l’autre, structurent une guerre substitutive tolérée par Washington, extrait direct des leçons de l’Irak, projeter l’influence sans assumer le fardeau militaire direct. En imposant une logique de fermeture plutôt que de gestion du chaos, Trump réduit ce marché d’intermédiation stratégique.

Mais cet assèchement a un effet secondaire majeur : il attaque le mécanisme même de projection américaine. La puissance des États-Unis ne tenait pas seulement à leurs armées, mais à une architecture stable du conflit externalisé où Washington pouvait, à distance, calibrer la durée des crises, fixer les lignes rouges et transformer le feu contrôlé en levier diplomatique permanent.

En affaiblissant les sous-traitants extérieurs, Trump affaiblit simultanément les centres internes de pouvoir aux États-Unis, ceux dont l’influence dépendait de la perpétuation des guerres déléguées.

Ce dessèchement est la condition d’un basculement: transférer le pouvoir effectif de la Maison-Blanche vers un noyau restreint aligné sur le groupe Trump, autrement dit, re-privatiser la souveraineté exécutive par neutralisation des acteurs qui vivaient du conflit permanent.