L’autonomie : remède ou poison pour le Maroc?

Dans l’espoir de résoudre un conflit vieux de plusieurs décennies, le Maroc défend avec détermination un statut d’autonomie pour le Sahara occidental. Cependant, cette initiative soulève une contradiction fondamentale : comment un territoire peut-il être déclaré « pleinement marocain » tout en bénéficiant d’une large autonomie, synonyme de pouvoir quasi indépendant? Ce paradoxe, loin d’être anodin, pose la question centrale de la cohérence politique du projet.
Si l’objectif affiché du Maroc est clairement la stabilisation de la région, l’histoire contemporaine nous enseigne que l’autonomie peut parfois être un pas vers l’indépendance plutôt qu’un remède aux tensions. En effet, de nombreux exemples internationaux montrent que l’octroi d’une autonomie politique, linguistique ou fiscale à une région contestée n’a pas toujours calmé les revendications séparatistes, mais a souvent renforcé les aspirations indépendantistes.
Prenons l’exemple de la Catalogne en Espagne : malgré un statut autonome important, les tensions indépendantistes ont culminé en 2017 avec un référendum illégal, plongeant Madrid dans une crise politique majeure. De même, l’Irlande, après plusieurs tentatives d’autonomie dans le cadre du Home Rule, a finalement obtenu son indépendance en 1921. En Afrique, le Sud-Soudan, après avoir bénéficié d’une large autonomie en 2005, a accédé à l’indépendance six ans plus tard, privant le Soudan central de ressources pétrolières cruciales.
Ces précédents démontrent que l’autonomie peut être une étape transitoire, un compromis souvent difficile à maintenir.
Les risques d’une diffusion interne du modèle sahraoui
Si le Maroc met en œuvre ce modèle d’autonomie au Sahara occidental, il pourrait involontairement créer un précédent difficile à maîtriser sur le plan national. En effet, d’autres régions, telles que le Rif, le Souss, l’Oriental, voire certaines parties de Marrakech, pourraient s’inspirer du « modèle sahraoui » pour réclamer elles aussi des formes d’autonomie. Cette dynamique risquerait de fragmenter davantage le pays et d’exacerber les tensions politiques internes.
Un Maroc politiquement fragmenté pourrait ainsi se retrouver confronté à une montée des revendications identitaires, qui remettraient en cause l’unité nationale et pourraient fragiliser la cohésion sociale.
Un intérêt stratégique pour certaines puissances internationales
Parallèlement, ce possible passage à un modèle fédéral ou à une autonomie élargie suscite l’intérêt de plusieurs puissances étrangères. La France, premier partenaire économique et militaire du Maroc, pourrait percevoir dans cette décentralisation une opportunité de préserver ses intérêts stratégiques en maintenant une influence sur plusieurs régions clés, tout en s’adaptant à la nouvelle donne politique.
Israël, avec lequel le Maroc a normalisé ses relations depuis 2020, pourrait bénéficier d’une coopération régionale facilitée, notamment dans les domaines de la sécurité et de la technologie. Quant aux États-Unis, ils pourraient soutenir ce modèle fédéral en le présentant comme une avancée démocratique conforme à leurs principes, tout en renforçant leur présence géopolitique en Afrique du Nord.
Ainsi, ces pays pourraient trouver dans une réforme fédérale ou autonome du Maroc un levier pour consolider leur influence régionale.
Une possible fragilisation du pouvoir royal
Au-delà des enjeux externes, le fédéralisme pose aussi une question fondamentale à l’intérieur même du Maroc : la stabilité du pouvoir royal. La succession au trône demeure incertaine, et une autonomie renforcée des régions pourrait limiter l’influence directe du Palais, déjà confronté à des défis internes.
Le fédéralisme pourrait ainsi transformer la dynamique du pouvoir, en redistribuant une part du contrôle aux régions, ce qui risque d’affaiblir l’autorité centrale et, par extension, le rôle politique traditionnel de la monarchie.
En conclusion, le projet marocain d’autonomie au Sahara occidental apparaît comme une stratégie à double tranchant. S’il vise à rassurer la communauté internationale et à éviter un référendum d’autodétermination sous l’égide de l’ONU, il pourrait aussi ouvrir une boîte de Pandore politique.
L’autonomie, parfois vue comme un outil de paix, peut se révéler être une première étape vers une fragmentation territoriale difficile à contrôler, avec des conséquences profondes tant sur le plan interne que régional.
Placé dans une position aussi inconfortable, le Maroc semble loin de pouvoir se donner le luxe de peser, avec la prudence nécessaire, les risques et les bénéfices d’une telle approche.
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