Le retour de Tebboune : un tournant dans l’architecture du pouvoir

Après plus de vingt jours d’absence, le président Abdelmadjid Tebboune a refait surface dans un contexte marqué par la tragédie d’Oued El Harrach, où un accident de bus a mis en lumière les fragilités du système de transport national. Son retour s’est accompagné de décisions qualifiées d’historiques, dont l’importation immédiate de dix mille bus et de pièces de rechange, censées à la fois répondre à l’urgence et donner un signal fort de reprise en main.
Mais au-delà de ces mesures, c’est la forme même de la réunion présidée par Tebboune qui intrigue et interpelle. Elle ne ressemblait ni à un conseil des ministres, ni à un conseil de sécurité. Ce format inédit, rassemblant militaires, conseillers présidentiels et quelques membres du gouvernement, a révélé une architecture institutionnelle en recomposition, où la présidence impose désormais son propre rythme.
L’absence remarquée du Premier ministre Larbaoui est à interpréter comme un double message. D’abord, celui d’un mécontentement du chef de l’État face à la gestion jugée insuffisante de certaines urgences. Ensuite, l’affirmation d’une volonté politique : celle d’installer un système résolument présidentiel où les leviers de pouvoir sont recentrés autour de Tebboune lui-même, réduisant le rôle du chef du gouvernement à une simple fonction d’exécution.
À ce constat s’ajoute un autre signe révélateur: l’instauration d’une forme de promotion administrative vers des postes politiques. De plus en plus, c’est le secrétaire général du ministère qui est désigné pour remplacer un ministre défaillant. Ce mécanisme, qui semble institutionnalisé, a profondément transformé la culture de gouvernance. Il a créé des conflits internes dans l’appareil de l’État, puisque le ministre se retrouve fragilisé au sein même de son cabinet: ses collaborateurs immédiats voient désormais dans son éventuel échec une opportunité de promotion, ce qui mine l’esprit de solidarité et accentue les rivalités bureaucratiques.
À cette dynamique s’ajoute une nouvelle illustration du désordre fonctionnel et des chevauchements institutionnels: le dossier de l’importation des bus, qui relève du commerce extérieur, a été confié à un autre ministre. Cette délégation hors secteur n’est pas un cas isolé. On la retrouve déjà dans le domaine du sport et de la jeunesse, où le ministre de la Jeunesse et celui des Sports cumulent chacun une fonction exécutive avec une autre élective, respectivement au sein du Conseil supérieur de la jeunesse et de la Fédération de football. Ces situations créent une confusion des rôles et entretiennent une culture d’interférences au sommet de l’État.
La dynamique actuelle de l’État algérien est par ailleurs traversée par deux forces d’attraction. La première vient du décret autorisant les militaires à occuper des postes civils, brouillant la frontière entre pouvoir militaire et sphère civile. La seconde est liée au décret qui confère aux conseillers du président des prérogatives proches de celles des ministres, les plaçant au cœur du dispositif exécutif. Ces évolutions, loin d’être anodines, traduisent une lutte d’influence silencieuse entre coordination et confrontation.
Dans ce nouveau champ de forces, la véritable compétence attendue n’est plus seulement technocratique: elle réside dans la capacité à occuper l’espace décisionnel sans fragiliser l’autorité présidentielle. Tebboune se trouve ainsi face à un défi de taille: identifier un Premier ministre qui accepte cette équation délicate, gouverner sans autonomie pleine, tout en incarnant la stabilité et la loyauté requises.
Ces chevauchements de fonctions et ce brouillage institutionnel mettent en évidence un point crucial: il devient impératif de réfléchir à une révision constitutionnelle. Car la source de ces incohérences se trouve dans un texte fondamental qui, au lieu de stabiliser l’État, alimente désormais des dérives capables de fragiliser son unité et son efficacité.
En somme, le retour de Tebboune ne marque pas seulement la reprise de son agenda après une absence prolongée ; il symbolise une étape charnière dans la redéfinition des équilibres du pouvoir en Algérie, où l’urgence politique rejoint désormais l’urgence institutionnelle.
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