Les relations algéro-françaises, sont-elles entrées dans une logique de « talaqqi al-khoussoum »?
Comment expliquer un rapprochement économique et médiatique dans un climat de tensions politiques ?

Le paradoxe apparent entre la détérioration diplomatique et le maintien, voire la relance, de certains échanges économiques et médiatiques entre la France et l’Algérie s’explique par la multipolarité des canaux de communication entre les deux pays.
Alors que les relations politiques officielles sont gelées, ambassadeur rappelé, dossiers bloqués et méfiance mutuelle, on observe l’émergence de diplomaties parallèles, portées par des acteurs économiques comme TotalEnergies, CMA CGM, et aussi par des acteurs Médiatiques comme BFM TV.
Selon des sources bien informées une interview télévisée du président Abdelmadjid Tebboune sur BFM TV, désormais liée à Rodolphe Saadé, est en cours de préparation pour la fin juin 2025.
Ces canaux agissent comme tampons, contournant le Quai d’Orsay et Élysée d’un côté, et le ministère algérien des Affaires étrangères de l’autre, pour maintenir un minimum de dialogue.
Ce n’est pas un rapprochement stratégique au sens classique, mais plutôt un pragmatisme mutuel, dicté par des intérêts concrets: investissements énergétiques, récupération de fonds bloqués, visibilité médiatique, etc.
L’un des exemples les plus révélateurs de cette « convergence entre ennemis » est sans doute la visite discrète de Patrick Pouyanné, PDG de TotalEnergies, à Alger le 5 mai 2025. Dans un contexte marqué par une crise diplomatique ouverte entre Paris et Alger, cette visite, soigneusement tenue à l’écart des projecteurs, traduit la capacité de certains grands groupes français à maintenir un canal direct avec les cercles de pouvoir algériens, en dehors du cadre officiel.
Reçu par le ministre algérien de l’Énergie Mohamed Arkab et par le PDG de Sonatrach, Rachid Hachichi, Pouyanné a évoqué de nouveaux projets d’investissement dans l’usine de lubrifiants de TotalEnergies à Oran. Aucun communiqué officiel n’a été publié, mais selon des sources proches du dossier, cette rencontre avait été préparée en coordination avec le Quai d’Orsay, et validée en amont par la diplomatie française, preuve qu’un certain réalisme prévaut des deux côtés malgré le froid politique.
Cette démarche illustre comment, même dans un climat de gel diplomatique, les intérêts énergétiques communs demeurent un terrain d’entente, servant de levier pour contourner les tensions et préserver un dialogue économique.
Les relations franco-algériennes sont-elles entrées dans une phase de « convergence entre ennemis » ?
Les relations sont-elles entrées dans une logique de « talaqqi al-khouṣoum » ?
On peut parler d’un talaqqi tactique entre adversaires structurels. L’Algérie et la France partagent une histoire lourde et une méfiance systémique, mais les deux parties comprennent qu’une rupture totale serait coûteuse. L’Algérie mise sur la diversification de ses partenariats (Chine, Russie, Turquie, Italie), mais garde une fenêtre ouverte vers certains acteurs français jugés utiles et « neutres ».
C’est une relation de défiance contenue, où l’hostilité politique n’exclut pas des espaces de coopération ciblés. Ce type de configuration est courant dans les relations postcoloniales conflictuelles : on parle alors de cohabitation antagoniste.
Pari perdu pour ceux qui comptaient sur un rôle français?
Très probablement, oui. Depuis 2019, certains cercles, notamment au sein de l’opposition algérienne de l’étranger, ont fantasmé un « scénario à la tunisienne », avec une pression franco-européenne sur le régime. Mais les événements récents montrent que la France officielle n’a ni la volonté, ni la capacité d’agir directement sur l’équilibre du pouvoir en Algérie.
Le système algérien est désormais structuré pour résister à toute dépendance vis-à-vis de Paris, politiquement comme économiquement.
Les acteurs français encore présents en Algérie sont ceux qui acceptent de composer avec le pouvoir en place, pas ceux qui cherchent à l’affaiblir.
En d’autres termes, le calcul d’un changement de régime par influence française est obsolète. L’État algérien a repris l’initiative narrative et stratégique, marginalisant aussi bien l’opposition externe que les médiateurs français classiques.
Il ne s’agit pas d’un « détente » au sens fort, ni d’un retournement stratégique. Ce que nous observons, c’est un ajustement opportuniste entre deux systèmes méfiants mais contraints à se parler sur certains fronts. Le rapport de force a changé, et c’est désormais Alger qui choisit ses Français, non l’inverse.
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