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Quand Le Monde révèle l’erreur fatale des élites françaises dans leur lecture du régime algérien

Il n’est pas anodin que ce soit Le Monde, quotidien de référence en France, qui relaie régulièrement l’actualité algérienne en s’appuyant sur la lecture traditionnelle des «trois pôles» du pouvoir.

Par son prestige et son influence sur la classe politique françaises, le journal contribue à façonner la perception dominante de l’Algérie dans les cercles décisionnels de Paris.

Or, en reconduisant ce schéma daté, Le Monde illustre une vérité dérangeante: la France officielle est aujourd’hui incapable de saisir la véritable nature du régime algérien.

Alors que les équilibres internes se structurent désormais autour de quatre pôles et deux cercles distincts, la grille française continue d’ignorer le retour de l’État profond dans les affaires extérieures et la centralité de l’équation Tebboune-armée dans la prise de décision.

Cette incompréhension n’est pas seulement académique: elle a des conséquences diplomatiques directes. En méconnaissant la mécanique interne du pouvoir à Alger, Paris se prive d’une lecture stratégique fine et s’expose à des malentendus répétés dans la gestion de ses relations avec l’Algérie.

1. Le cercle de décision : la présidence et l’état-major, une équation façonnée par Tebboune

Le noyau central du régime algérien repose désormais sur deux pôles: la présidence et l’état-major de l’armée.

L’armée, colonne vertébrale de l’État et garante de la sécurité nationale, conserve une place incontournable dans la gestion des crises.

La présidence d’Abdelmadjid Tebboune, loin de s’effacer, a montré une habileté politique particulière: elle a su intégrer l’état-major dans son cercle rapproché, donnant naissance à une équation où la décision stratégique se partage, tout en restant maîtrisée par l’autorité présidentielle.


Cette formule, œuvre personnelle de Tebboune, constitue le véritable cercle de décision. C’est lui qui trace les orientations majeures du pays et arbitre les choix sensibles. Les campagnes de brouillage et de contestation des résultats de la présidentielle ont d’ailleurs eu pour objectif principal de fragiliser cette équation, en s’attaquant à la légitimité du chef de l’État pour influencer les rapports de force internes.

2. Le cercle de pouvoir: les services de renseignement et l’État profond

Autour du noyau central gravitent deux pôles: les services de renseignement et l’État profond.

Les services de renseignement restent éclatés en plusieurs branches (DGSI, DSS, structures militaires spécialisées). Toute tentative de les unifier est contenue, car une telle consolidation leur donnerait le poids nécessaire pour prétendre entrer dans le cercle de décision. Or, l’état-major refuse catégoriquement de partager ce statut exclusif aux côtés du président. Ainsi, les services exercent une influence constante, mais sous surveillance.

L’État profond, de son côté, joue un rôle singulier. Le système recourt à ses réseaux pour gérer les grands dossiers internationaux et soutenir la diplomatie dans son ambition de donner à l’Algérie un rôle moteur dans la recomposition du système mondial.

En revanche, le régime refuse de lui reconnaître un rôle économique intérieur. C’est pour cela qu’il agit avec fermeté face à certaines figures qualifiées, à raison ou à tor,  «d’appendices financiers» de l’État profond. Des hommes comme Rebrab, placé sous étroite surveillance judiciaire, ou Neghza, incarcéré, illustrent ce refus d’un retour de l’oligarchie dans la sphère économique.

En clair, l’État profond est toléré et mobilisé sur le terrain diplomatique, mais il est écarté du champ économique, que le pouvoir central entend garder sous contrôle direct.

Mais il reste à noter que le cercle de décision, conscient de l’appétit de l’État profond pour s’impliquer dans les affaires internes, a choisi de l’intégrer de manière partielle dans la gestion publique. Le dernier remaniement ministériel a donc été conçu comme une concession limitée, visant à la fois à gagner ses bonnes grâces et à lui faire assumer une part de responsabilité, tout en maintenant son rôle essentiellement périphérique.

3. Un quadrilatère organisé en deux cercles

L’architecture du pouvoir algérien doit donc être lue comme un quadrilatère à deux cercles:

Cercle de décision : présidence et état-major.

Cercle de pouvoir : services de renseignement et État profond.


Cette distinction permet de comprendre pourquoi les luttes internes ne traduisent pas un effondrement du système mais une régulation permanente des équilibres. Le noyau central décide, tandis que le cercle périphérique influence et soutient sans pouvoir s’y substituer.

Réduire le régime algérien à un simple «triangle du pouvoir» constitue une erreur d’analyse qui fragilise la lecture française de l’Algérie. Le système repose désormais sur quatre pôles, organisés en deux cercles hiérarchisés.

Le cercle de décision concentre la décision stratégique (présidence et armée).

Le cercle de pouvoir exerce une influence permanente mais indirecte (services et État profond).


C’est dans l’articulation entre ces deux cercles, coopération, rivalité, méfiance, que réside la clé de compréhension du régime algérien contemporain. Et c’est là où se mesure la patience stratégique de Tebboune, qui a su intégrer l’armée dans la décision tout en maintenant les autres pôles à proximité, mais sans jamais leur concéder le cœur du pouvoir.

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