Algérie : le garant silencieux de la stabilité au Sahel

La région du Sahel traverse un tournant critique. Le retrait progressif des forces internationales, combiné à l’affirmation de régimes militaires souverainistes à Bamako, Ouagadougou et Niamey, et la multiplication des foyers de tension, éloigne de plus en plus la zone de toute perspective de stabilité durable.
Mali : l’État en perte de contrôle dans le nord
Depuis que les autorités de transition maliennes ont annoncé, en janvier 2024, leur retrait de l’Accord d’Alger de 2015, le pays s’est engagé dans une spirale de violence. Le départ de la MINUSMA a exacerbé la fragilité de l’État malien, qui peine désormais à affirmer son autorité dans le nord. Les groupes armés touaregs reprennent l’initiative, menaçant la cohésion territoriale du pays.
L’opération militaire baptisée « Dougokouloukou » ne vise pas uniquement à réaffirmer le contrôle de Bamako sur l’ensemble du territoire, mais surtout à prévenir toute avancée rebelle vers la capitale. La sécurisation de la frontière nord, notamment avec l’Algérie, devient dès lors un impératif stratégique.
Burkina Faso : fractures internes au sein de l’armée
La situation n’est guère plus rassurante au Burkina Faso. Le régime du capitaine Ibrahim Traoré, en place depuis 2022, fait face à des tensions internes croissantes. Plusieurs officiers proches du pouvoir ont été arrêtés pour tentative présumée de coup d’État.
Malgré une posture radicale contre les groupes djihadistes, le rejet de l’influence française et un rapprochement affiché avec Moscou, le régime reste vulnérable. Cette instabilité chronique fragilise encore davantage un pays déjà confronté à une crise sécuritaire et économique profonde.
L’Algérie, garant historique de la stabilité régionale
Depuis des années, l’Algérie joue un rôle central dans la pacification du Sahel. Médiatrice de l’Accord de paix au Mali, elle a maintenu des canaux de communication ouverts avec les mouvements touaregs, tout en s’abstenant de toute intervention militaire directe. Cette position d’équilibre, fondée sur la neutralité diplomatique et la connaissance fine des dynamiques locales, a permis de contenir de nombreuses crises.
Mais l’effacement progressif de ce rôle constitue aujourd’hui une perte stratégique pour toute la région. Sans médiation fiable ni cadre politique structurant, le Sahel risque de sombrer dans une spirale de violences incontrôlées, où ni les interventions militaires, ni les alliances de circonstance ne pourront apporter de solution durable.
Chine : un pari économique menacé par le chaos
Dans ce contexte de délitement, la Chine apparaît comme l’un des grands perdants. Présente massivement dans les secteurs miniers et d’infrastructures au Mali et au Burkina Faso, Pékin voit ses investissements remis en question par l’instabilité croissante.
Premier investisseur dans l’or malien avec des entreprises comme Zijin Mining et Hainan Mining, la Chine y a injecté plus de 500 millions de dollars. Au Burkina Faso, ses entreprises exploitent le manganèse et le fer, en plus de financer des routes et des barrages pour plus de 300 millions de dollars.
Plus de 200 entreprises chinoises opèrent actuellement en Afrique de l’Ouest, mais nombre d’entre elles pourraient se retirer face à la détérioration sécuritaire.
Des investissements sans filet de sécurité
Contrairement aux puissances occidentales, Pékin ne dispose pas de bases militaires ni de réseaux de sécurité propres dans la région. Elle dépend entièrement des dispositifs de protection des États hôtes. Or, la fragilisation de ces derniers expose les actifs chinois à de lourdes pertes.
Bien que consciente de l’influence décisive de l’Algérie au Sahel, en particulier via l’Accord d’Alger et ses liens historiques avec les Touaregs, la Chine a préféré concentrer ses efforts sur des régimes militaires perçus comme plus souples et accessibles. Elle a ainsi ignoré le potentiel d’une coopération stratégique directe avec Alger, préférant tabler sur une stabilité régionale assurée implicitement par ce dernier.
Mais avec l’escalade des tensions entre Alger et Bamako, et notamment l’incident du drone malien abattu en territoire algérien, ce « garant silencieux » s’est retiré du jeu.
L’annonce récente d’une révision du code de mobilisation en Algérie est perçue comme un signal fort : le pays se prépare à une éventuelle militarisation de sa politique régionale. La complaisance envers les États voisins qui laissent leurs frontières à la dérive ne semble plus tolérable pour Alger.
Ce revirement pourrait profondément rebattre les cartes. Non seulement les États du Sahel sont appelés à reprendre le contrôle de leurs zones frontalières, mais la Chine, elle aussi, devra revoir l’architecture de ses investissements. Miser sur un acteur régional pour assurer la stabilité sans l’associer à la prise de décision stratégique pourrait bien s’avérer une erreur coûteuse.
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